Comment choisir un·e psychologue qui me corresponde ?
L’acte de solliciter une aide psychologique est, en soi, un paradoxe. Il requiert de la part du sujet une prise de décision lucide et informée à un moment où sa capacité à décider peut être précisément altérée par la détresse, le doute ou la confusion qui motive la démarche. S’engager dans une psychothérapie, c’est accepter de s’aventurer dans les territoires intimes de sa propre souffrance, de ses conflits et de ses aspirations, en confiant une part de cette exploration à un·e autre. Cet·te autre, le ou la psychologue clinicien·ne, devient un partenaire temporaire dans un voyage dont l’itinéraire est à la fois profondément personnel et balisé par des décennies de recherche scientifique et de pratique clinique.
Pourtant, pour le néophyte, le champ de la psychologie clinique ressemble souvent à une boîte noire. Les termes foisonnent – cognitivo-comportemental, psychodynamique, humaniste, systémique – et les profils des praticien·ne·s semblent aussi variés que les individus qu’ils se proposent d’aider. Comment, dès lors, naviguer dans cette complexité ? Comment opérer un choix qui ne soit pas uniquement guidé par le hasard d’une recherche en ligne ou la recommandation bien intentionnée d’un proche, mais par une véritable adéquation entre sa propre demande, sa personnalité et l’expertise du professionnel ?
Cet article se propose de déconstruire le processus de sélection d’un·e psychologue clinicien·ne. Loin de fournir une formule magique, son ambition est d’offrir une grille de lecture éclairée, fondée sur les connaissances actuelles en psychologie clinique et en recherche sur l’efficacité de la psychothérapie. Nous aborderons les distinctions professionnelles fondamentales, l’importance des cadres théoriques, le rôle prépondérant de la relation thérapeutique, les étapes concrètes de la recherche et les signaux qui doivent alerter. Car choisir son ou sa thérapeute n’est pas un préambule anodin à la thérapie ; c’est en réalité le premier acte thérapeutique, un acte d’autonomie et d’engagement envers son propre processus de changement.
A. Délimiter le champ : Qui est le psychologue clinicien et comment s’y retrouver ?
Avant même d’évaluer les approches et les personnalités, une clarification sémantique et légale s’impose. Le terme « psy » est un vocable générique qui recouvre des réalités professionnelles très distinctes. Comprendre ces distinctions est le premier filtre essentiel pour garantir la sécurité et la qualité de l’accompagnement.
1. Le psychologue clinicien : un titre protégé et une formation universitaire
Le titre de psychologue est, dans la majorité des pays occidentaux (dont la France, la Belgique, la Suisse et le Québec), une profession réglementée. Pour l’obtenir, il est impératif d’avoir complété un cursus universitaire de haut niveau en psychologie, généralement de cinq années (Master 2 en France, Maîtrise au Québec). Ce parcours académique garantit une formation solide dans de multiples domaines : la psychopathologie (l’étude des troubles psychiques), la psychologie du développement, la psychologie cognitive, la psychologie sociale, les neurosciences et, surtout, les méthodes d’évaluation clinique et les théories psychothérapeutiques.
Le qualificatif « clinicien » précise que le professionnel a orienté sa pratique vers le soin psychique. Son travail se fonde sur l’écoute, l’analyse de la demande, l’évaluation (parfois via des tests psychométriques) et l’intervention thérapeutique auprès d’individus en souffrance. Le psychologue clinicien est soumis à un code de déontologie strict qui encadre sa pratique et protège les usagers. Ce code impose notamment le respect du secret professionnel, l’indépendance, la responsabilité et la nécessité de mettre à jour ses connaissances en continu. S’assurer qu’un professionnel est bien inscrit au répertoire national des psychologues (numéro ADELI en France, par exemple) est donc un prérequis non négociable.
2. Distinctions avec les autres professions de la santé mentale
Le psychiatre : C’est un médecin qui s’est spécialisé en psychiatrie. À ce titre, il est le seul « psy » habilité à poser un diagnostic médical et à prescrire des médicaments (antidépresseurs, anxiolytiques, etc.). Sa formation est initialement médicale, puis spécialisée sur les troubles mentaux d’un point de vue neurobiologique et pharmacologique. Bien que nombre de psychiatres pratiquent également la psychothérapie, leur approche est souvent complémentaire à celle du psychologue, notamment dans la prise en charge de troubles sévères nécessitant un traitement médicamenteux.
Le psychothérapeute : En France, depuis 2010, le titre de psychothérapeute est également réglementé. Il est accessible aux psychologues et aux médecins de droit, et sous certaines conditions de formation complémentaire en psychopathologie clinique pour d’autres professionnels. Ce titre atteste d’une compétence spécifique dans la pratique de la thérapie. Un psychologue clinicien est donc presque toujours un psychothérapeute, mais un psychothérapeute n’est pas forcément un psychologue. La vigilance est de mise quant à la formation initiale du praticien.
Le psychanalyste : La psychanalyse est une méthode de traitement spécifique, issue des travaux de Sigmund Freud. Le titre de psychanalyste n’est pas réglementé par l’État mais par les écoles et sociétés de psychanalyse elles-mêmes. Pour devenir psychanalyste, le praticien doit avoir suivi une longue formation théorique et, surtout, avoir lui-même effectué une analyse personnelle approfondie (la “cure type”) et être supervisé. De nombreux psychologues et psychiatres sont également formés à la psychanalyse.
Les coachs et autres praticiens du bien-être : Ces titres ne sont pas réglementés. N’importe qui peut se déclarer “coach de vie”, “thérapeute holistique” ou “praticien en PNL”. Si certains de ces professionnels peuvent posséder des compétences utiles, leur formation est hétérogène et ils n’offrent aucune des garanties légales, déontologiques et scientifiques d’un psychologue clinicien. Ils ne sont pas formés au diagnostic et à la prise en charge de la psychopathologie. Pour une souffrance psychique avérée, le recours à un psychologue ou un psychiatre reste la voie la plus sûre.
En somme, la première étape du choix consiste à s’orienter vers un·e psychologue clinicien·ne dûment enregistré·e auprès des autorités compétentes. Cette vérification administrative est le socle sur lequel le reste de la démarche pourra se construire en toute sécurité.
B. Les grandes orientations théoriques : Quelle vision de l’humain et du changement ?
Une fois le cadre professionnel sécurisé, la question la plus complexe se pose : celle de l’approche thérapeutique. Un·e psychologue ne travaille pas dans le vide ; sa pratique est guidée par un ou plusieurs modèles théoriques qui définissent sa compréhension de la psyché humaine, de l’origine des troubles (étiologie) et des leviers du changement. Ces approches ne sont pas de simples préférences intellectuelles ; elles déterminent concrètement la posture du thérapeute, le type d’échanges, les techniques utilisées et les objectifs visés. Il n’existe pas de “meilleure” approche dans l’absolu, mais il existe des approches plus ou moins adaptées à certaines problématiques et, surtout, à certaines personnalités.
1. Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)
- Fondements : Les TCC postulent que les difficultés psychologiques sont liées à des schémas de pensée (“cognitions”) dysfonctionnels et à des comportements inadaptés qui ont été appris et qui se maintiennent mutuellement. L’adage central est que ce ne sont pas les événements qui nous perturbent, mais l’interprétation que nous en faisons.
- Déroulement : La thérapie est structurée, directive et centrée sur les problèmes actuels (“ici et maintenant”). Le thérapeute et le patient collaborent activement, comme une équipe scientifique, pour identifier les pensées automatiques négatives, les croyances limitantes et les comportements d’évitement ou de sécurité. La thérapie utilise des outils concrets : restructuration cognitive (apprendre à questionner et nuancer ses pensées), exposition progressive (se confronter à ses peurs), activation comportementale (reprendre des activités gratifiantes), etc. Des “tâches” sont souvent proposées entre les séances.
- Pour qui ? Les TCC ont démontré une forte efficacité, validée par d’innombrables études contrôlées randomisées, pour les troubles anxieux (phobies, trouble panique, TOC, anxiété sociale), la dépression, les addictions et les troubles du comportement alimentaire. Elles conviennent aux personnes qui cherchent une approche pragmatique, orientée vers la résolution de problèmes, et qui apprécient d’avoir un rôle actif et des outils concrets à appliquer.
- Évolutions (“Vagues”) : Les TCC ont évolué. La “troisième vague” (depuis les années 2000) intègre des concepts comme la pleine conscience et l’acceptation. On y trouve la Thérapie d’Acceptation et d’Engagement (ACT), qui vise non pas à éliminer les pensées difficiles mais à apprendre à les observer sans s’y identifier pour agir en accord avec ses valeurs, et la Thérapie Comportementale Dialectique (TCD), très efficace pour les personnes ayant une forte instabilité émotionnelle.
2. Les approches psychodynamiques et psychanalytiques
- Fondements : Héritières de la psychanalyse freudienne, ces approches considèrent que les difficultés actuelles sont souvent l’expression de conflits inconscients, de schémas relationnels et d’expériences refoulées, principalement issus de l’enfance. Le but n’est pas seulement de traiter un symptôme, mais de comprendre ses racines profondes pour permettre une réorganisation durable de la personnalité.
- Déroulement : La thérapie est moins directive et moins structurée. Le cadre est essentiel : la régularité des séances, la neutralité bienveillante du thérapeute et la libre association du patient (dire tout ce qui vient à l’esprit) créent un espace où l’inconscient peut se manifester. Le thérapeute est attentif aux lapsus, aux rêves, aux répétitions et surtout à la relation qui se noue avec lui (le “transfert”), vue comme une réactualisation des relations passées. L’interprétation est un outil central, mais elle est utilisée avec parcimonie pour amener le patient à ses propres prises de conscience (“insight”).
- Pour qui ? Ces approches sont indiquées pour des difficultés existentielles diffuses, des problèmes relationnels récurrents, des troubles de la personnalité, ou pour toute personne souhaitant s’engager dans un travail d’exploration de soi en profondeur, au-delà de la simple résolution d’un symptôme. Elles demandent une capacité d’introspection, de la patience et l’acceptation d’un processus dont les bénéfices ne sont pas toujours immédiats ou mesurables.
3. Les approches humanistes-existentielles
- Fondements : Nées en réaction au déterminisme psychanalytique et au mécanicisme comportementaliste, les approches humanistes (ou expérientielles) placent l’accent sur le potentiel de croissance de l’individu, sa liberté, sa responsabilité et son expérience subjective. Le postulat de base est que chaque personne possède en elle les ressources pour se réaliser pleinement. Les difficultés apparaissent lorsque l’environnement entrave ce processus naturel d’auto-actualisation.
- Déroulement : Le thérapeute adopte une posture non-directive, authentique et empathique. L’accent est mis sur la qualité de la relation “ici et maintenant”.
- L’Approche Centrée sur la Personne (Carl Rogers) repose sur trois conditions fondamentales offertes par le thérapeute : l’empathie, la congruence (authenticité) et le regard positif inconditionnel. Le thérapeute ne conseille pas, il reflète et clarifie les émotions du client pour l’aider à se reconnecter à sa propre “boussole” intérieure.
- La Gestalt-thérapie (Fritz Perls) est plus active et met l’accent sur la conscience du moment présent (“awareness”) et la manière dont nous créons et interrompons le contact avec notre environnement. Elle utilise des techniques créatives (jeux de rôle, “chaise vide”) pour aider la personne à réintégrer les parties d’elle-même qu’elle a rejetées et à prendre conscience de ses “gestalts” (formes) inachevées.
- Pour qui ? Ces approches sont particulièrement adaptées aux personnes en quête de sens, traversant une crise existentielle, souffrant d’une faible estime de soi, ou souhaitant améliorer leur conscience d’elles-mêmes et leur façon d’être en relation. Elles conviennent à ceux qui recherchent une relation thérapeutique égalitaire et chaleureuse.
4. Les approches systémiques et familiales
- Fondements : L’approche systémique considère que les problèmes d’un individu ne peuvent être compris isolément. La personne fait partie de systèmes (famille, couple, milieu professionnel) et son symptôme peut avoir une fonction au sein de l’équilibre (parfois dysfonctionnel) de ce système. Le focus n’est pas sur le “pourquoi” intrapsychique, mais sur le “comment” des interactions actuelles.
- Déroulement : La thérapie peut se dérouler en individuel, en couple ou en famille. Le thérapeute s’intéresse aux règles (implicites ou explicites) du système, aux schémas de communication, aux alliances et aux rôles de chacun. L’objectif est de modifier les interactions et les modes de communication pour permettre au système de trouver un nouvel équilibre plus sain, ce qui a pour effet de faire disparaître le symptôme du “patient désigné”.
- Pour qui ? Évidemment indiquée pour les conflits familiaux ou de couple, cette approche est aussi très pertinente en individuel pour toute personne dont les difficultés sont manifestement liées à sa place dans sa famille d’origine ou actuelle, ou à des dynamiques relationnelles complexes.
Les approches intégratives et éclectiques
De plus en plus de psychologues ne se revendiquent pas d’une seule et unique chapelle. Un thérapeute intégratif cherche à articuler de manière cohérente plusieurs modèles théoriques (par exemple, un cadre psychodynamique pour la compréhension globale et des outils TCC pour des interventions ciblées). Un thérapeute éclectique puise dans différentes “boîtes à outils” en fonction des besoins du patient, sans forcément chercher une synthèse théorique profonde. Si cette flexibilité peut être un atout, il est crucial que le praticien puisse expliquer la logique qui sous-tend ses choix et ne se contente pas d’un “pillage” technique sans fondement.
C. L’alliance thérapeutique : Le facteur commun décisif
Si le choix d’une approche théorique est important, des décennies de recherche sur l’efficacité des psychothérapies ont mis en lumière un facteur qui transcende toutes les écoles : l’alliance thérapeutique. Il s’agit de la qualité de la relation de collaboration qui se tisse entre le patient et le thérapeute. La recherche montre de manière constante et robuste que la qualité de cette alliance est l’un des meilleurs prédicteurs du succès de la thérapie, parfois même plus que la technique spécifique utilisée.
Selon le modèle classique d’Edward Bordin (1979), l’alliance thérapeutique repose sur trois piliers :
- L’accord sur les buts (Goals) : Le patient et le thérapeute sont-ils d’accord sur les objectifs de la thérapie ? Travaillent-ils dans la même direction ? Il est essentiel que les attentes du patient soient entendues, comprises et traduites en objectifs thérapeutiques clairs et partagés.
- L’accord sur les tâches (Tasks) : Sont-ils d’accord sur les moyens pour atteindre ces buts ? Le patient comprend-il et accepte-t-il les méthodes proposées par le thérapeute (que ce soit l’analyse de rêves, un exercice d’exposition ou l’exploration d’une émotion) ? Se sent-il partie prenante du processus ?
- Le lien affectif (Bond) : C’est la dimension la plus subjective. Elle recouvre les sentiments de confiance, de respect, d’acceptation et de sécurité que le patient ressent envers son thérapeute. Se sent-il écouté sans jugement ? Se sent-il compris ? A-t-il le sentiment que le thérapeute est authentiquement investi dans son bien-être ?
Concrètement, cela signifie qu’au-delà des diplômes et des théories, le “feeling” est un critère légitime et crucial. Un psychologue peut être le plus grand expert TCC des troubles anxieux, si vous ne vous sentez pas en confiance, écouté·e ou respecté·e, si son style vous irrite ou vous intimide, l’efficacité de la thérapie sera probablement compromise. L’alliance n’est pas une simple sympathie ; c’est le sentiment d’être engagé avec un professionnel compétent, bienveillant et fiable dans un travail commun. Ce sentiment se construit dès les premiers contacts et doit être évalué avec attention.
D. Le processus de sélection : Étapes pratiques et questions essentielles
Choisir un·e psychologue est un processus actif. Voici une démarche structurée pour passer de la théorie à la pratique.
Étape 1 : La recherche initiale
- Les annuaires professionnels : Consultez les sites des ordres ou fédérations de psychologues de votre pays/région. Ils garantissent que les praticiens listés possèdent les qualifications requises.
- Les recommandations : Votre médecin traitant peut être une excellente source de recommandation, car il connaît souvent bien le réseau de santé mentale local. Les recommandations d’amis ou de proches peuvent être utiles, mais avec prudence : un thérapeute parfait pour l’un ne l’est pas forcément pour l’autre.
- Les plateformes spécialisées : De nombreux sites web permettent de filtrer les psychologues par localisation, approche, problématique, etc. Vérifiez toujours que les profils renvoient bien à un titre de psychologue réglementé.
Étape 2 : L’analyse des profils
Une fois une liste de noms potentiels établie, prenez le temps d’étudier leurs profils en ligne (site personnel, profil sur une plateforme). Cherchez les informations suivantes :
- Formation et titres : Sont-ils clairement indiqués ?
- Approche(s) théorique(s) : Se revendique-t-il/elle d’une ou plusieurs approches décrites plus haut ? Est-ce expliqué clairement ?
- Spécialisations : A-t-il/elle une expertise particulière pour certaines problématiques (deuil, trauma, périnatalité, troubles anxieux, etc.) qui correspond à votre besoin ?
- Le style : La manière dont le psychologue se présente vous parle-t-elle ? Le ton utilisé (chaleureux, académique, direct) vous semble-t-il correspondre à ce que vous recherchez ?
Étape 3 : Le premier contact (téléphonique ou par email)
Ce premier échange est bref mais crucial. Il ne s’agit pas d’une séance de thérapie, mais d’une prise d’information. Vous pouvez poser des questions logistiques (disponibilités, tarifs, lieu) et quelques questions de fond succinctes :
- “Je vous contacte pour [décrire très brièvement votre problématique]. Est-ce quelque chose que vous avez l’habitude d’accompagner ?”
- “J’ai vu sur votre site que vous pratiquiez [telle approche]. Pourriez-vous m’en dire un mot ?”
- “Proposez-vous un premier entretien pour que nous puissions voir si le contact passe bien ?”
Faites attention à la qualité de la réponse : est-elle professionnelle, claire, respectueuse ? Un praticien sérieux comprendra tout à fait votre démarche et y répondra sans problème.
Étape 4 : Le ou les premiers entretiens d’évaluation
Les premières séances (souvent 1 à 3) sont une période d’évaluation mutuelle. Le psychologue évalue votre demande pour déterminer s’il est compétent pour y répondre. Mais vous, de votre côté, vous évaluez le psychologue. C’est le moment de poser des questions plus approfondies et de vous fier à votre ressenti. N’hésitez pas à demander :
- “Comment se déroule une séance type avec vous ?”
- “Quelle est votre vision du changement en thérapie ?”
- “Comment saurons-nous que la thérapie progresse ?”
- “Comment fonctionnez-vous si nous ne sommes pas d’accord sur un point ?”
- “Êtes-vous supervisé·e ?” (La supervision par un pair plus expérimenté est un gage de qualité et de rigueur éthique).
À l’issue de cette phase, demandez-vous honnêtement :
- Me suis-je senti·e écouté·e et compris·e ?
- Le cadre proposé me semble-t-il clair et sécurisant ?
- Ai-je le sentiment que cette personne peut réellement m’aider ?
- Suis-je prêt·e à m’engager dans un travail avec cette personne ?
Il est tout à fait normal et acceptable de rencontrer deux ou trois psychologues avant de faire son choix.
E. Les considérations personnelles et logistiques
La meilleure approche et la meilleure alliance du monde peuvent être mises à mal par des contraintes pratiques. Il faut les intégrer à la réflexion.
Le coût et le remboursement : Les tarifs des psychologues en libéral sont libres. Renseignez-vous dès le premier contact. Certains systèmes de santé publics offrent un accès à des psychologues (via les Centres Médico-Psychologiques en France, par exemple), mais les délais d’attente peuvent être longs. De plus en plus de mutuelles remboursent un certain nombre de séances. La question financière doit être abordée sans tabou ; une thérapie qui génère un stress financier excessif est contre-productive.
La modalité : présentiel ou téléconsultation ? La pandémie de COVID-19 a massivement développé la thérapie à distance (visioconférence). La recherche tend à montrer une efficacité comparable au présentiel pour de nombreuses problématiques. La téléconsultation offre une grande flexibilité et un accès à des spécialistes qui ne sont pas géographiquement proches. Le présentiel offre une autre qualité de présence et de communication non-verbale. Le choix dépend de vos préférences personnelles, de vos contraintes logistiques et de votre aisance avec la technologie.
Les facteurs identitaires : Faut-il choisir un·e thérapeute qui nous ressemble (même genre, même origine ethnoculturelle, même orientation sexuelle) ? Il n’y a pas de réponse unique. Pour certain·e·s, partager une identité ou une expérience de vie (par ex., être une personne racisée, LGBTQ+, etc.) peut faciliter un sentiment de compréhension immédiate et de sécurité. Pour d’autres, ce n’est pas un critère. L’élément crucial n’est pas tant l’identité du thérapeute que sa compétence culturelle : sa capacité à reconnaître l’impact des facteurs sociaux et culturels sur l’expérience de l’individu, sa curiosité, son humilité et sa volonté de comprendre une expérience différente de la sienne sans la réduire à des stéréotypes.
F. Signaux d’alerte et l’art de réévaluer la relation
Le choix n’est pas figé dans le marbre. Une thérapie est un processus dynamique. Il est important de savoir reconnaître les signes qui indiquent que la relation thérapeutique n’est pas ou n’est plus adéquate.
Signaux d’alerte clairs (Red Flags) :
- Manque de professionnalisme : Retards répétés et non justifiés, annulations fréquentes, consultations interrompues par des appels personnels.
- Rupture du cadre : Proposition de se voir en dehors des séances, contact physique inapproprié, demande de services au patient, révélation excessive de sa propre vie privée (l’auto-dévoilement doit être rare, bref et toujours au service du patient).
- Jugement et non-respect : Remarques moralisatrices, critiques, minimisation de votre souffrance.
- Promesses irréalistes : Garantie de “guérison” rapide et totale.
- Absence de collaboration : Le thérapeute impose sa vision sans écouter vos retours, ignore vos questions sur son approche.
Si vous observez de tels comportements, particulièrement ceux qui touchent aux limites et à l’éthique, il est impératif de mettre fin à la thérapie.
Signaux plus subtils de non-adéquation :
- Stagnation prolongée : Après une période raisonnable, vous avez le sentiment de ne faire aucun progrès, de tourner en rond séance après séance.
- Sentiment persistant d’incompréhension :Malgré vos efforts pour clarifier, vous ne vous sentez pas compris·e.
- Peur de parler de certains sujets : Vous craignez la réaction de votre thérapeute et pratiquez l’autocensure.
- Évolution de vos besoins : Vous avez commencé une TCC pour une phobie précise, et maintenant vous souhaitez un travail plus profond sur vous-même que votre thérapeute n’est pas en mesure de vous offrir.
Dans ces cas-là, la première étape est d’en parler directement avec votre psychologue. Exprimer son insatisfaction ou ses doutes est un acte thérapeutique en soi. Un bon thérapeute accueillera cette discussion avec ouverture, explorera avec vous les raisons de ce sentiment et sera capable de réajuster sa pratique ou, si l’impasse est réelle, de vous accompagner dans une réflexion sur une réorientation vers un·e autre collègue. Mettre fin à une thérapie de manière réfléchie et respectueuse est une conclusion saine, pas un échec.
Conclusion
Le choix d’un·e psychologue clinicien·ne est une démarche complexe, à la croisée de la rationalité et de l’intuition. Elle exige du futur patient un travail préliminaire d’information et d’introspection. Ce processus peut être décomposé en une série d’étapes logiques : vérifier les qualifications légales, s’informer sur les grandes approches théoriques pour identifier celles qui résonnent le plus avec sa propre vision du monde et de son problème, puis s’engager dans un processus de rencontre et d’évaluation où la qualité de l’alliance thérapeutique devient le critère prépondérant.
Il n’y a pas de raccourci. Cette quête est intrinsèquement personnelle. Les considérations pratiques, logistiques et identitaires viennent affiner ce choix, qui ne doit jamais être considéré comme définitif. La psychothérapie est une relation vivante, qui peut être réévaluée et, si nécessaire, réorientée.
Finalement, se poser la question “Comment choisir un·e psychologue qui me corresponde ?” est déjà le signe d’une posture active et responsable. C’est refuser de subir sa souffrance et de déléguer passivement son mieux-être. En s’appropriant ce choix, en osant questionner, ressentir et décider, le patient n’est plus simplement un demandeur d’aide ; il devient l’architecte principal de son propre changement. Et c’est là, avant même la première séance, que le véritable travail thérapeutique a déjà commencé.
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