La Maison Du Bilan, Neuropsychologie et psychologie clinique à Paris 9

Quelles sont les particularités de la mémoire chez les personnes autistes ?


Dans le domaine de la psychologie cognitive, la mémoire revêt une importance fondamentale pour la compréhension du fonctionnement humain, de l’apprentissage à la socialisation. Les troubles du spectre autistique (TSA) posent depuis toujours un défi conceptuel à ce propos : pourquoi, chez certaines personnes autistes, observe-t-on des aptitudes mnésiques remarquables dans certains domaines et, parallèlement, des difficultés dans d’autres ? Derrière ces apparentes contradictions se logent des différences de fonctionnement cérébral et cognitif. Ce paysage clinique hétérogène a longtemps suscité des approches fragmentées. Néanmoins, les progrès récents en neurosciences, en neuropsychologie et en psychologie développementale apportent un nouvel éclairage sur le sujet. Les particularités mnésiques associées à l’autisme ne se réduisent pas à un simple déficit ou à une simple supériorité dans un type de mémoire, mais reflètent une réorganisation profonde de la structure et du traitement des informations en mémoire, avec des corrélats sociaux, émotionnels et cognitifs marqués. Approfondir ce sujet est capital pour adapter les stratégies d’accompagnement, améliorer la qualité de vie des personnes concernées, et, plus largement, enrichir la compréhension générale de la mémoire humaine.

  • Les bases biologiques et cognitives de la mémoire
  • Organisation générale de la mémoire humaine

La mémoire peut être divisée en plusieurs systèmes distincts, dont les deux principales catégories sont la mémoire à court terme (ou mémoire de travail) et la mémoire à long terme. Cette dernière inclut elle-même la mémoire déclarative (regroupant mémoire épisodique et mémoire sémantique) et la mémoire non déclarative (mémoire procédurale, conditionnement, etc.).

La mémoire épisodique consiste à se souvenir d’évènements vécus, de leur contexte spatiotemporel et des émotions associées. La mémoire sémantique regroupe les connaissances générales sur le monde et le langage. La mémoire procédurale concerne les automatismes moteurs et cognitifs, tandis que la mémoire de travail correspond à la capacité à manipuler temporairement des informations pour les utiliser dans une tâche cognitive.

Chez les individus sans trouble neurodéveloppemental, ces systèmes interagissent harmonieusement, même si des différences individuelles subsistent. Cependant, les chercheurs ont rapidement constaté que les profils mnésiques des personnes autistes s’écartent de ces schémas standards.

2. Fonctionnement cérébral chez les personnes autistes

Les investigations récentes en neuroimagerie ont révélé que les structures cérébrales impliquées dans la mémoire, telles que l’hippocampe, le cortex préfrontal et le cortex pariétal, présentent des variations structurelles et fonctionnelles chez les personnes autistes. Ces différences pourraient expliquer une partie des spécificités mnésiques identifiées, notamment dans le traitement des informations verbales ou sociales, ainsi que dans l’organisation et la récupération des souvenirs.

Des études ont également établi des distinctions dans la connectivité cérébrale, avec des modèles de synchronisation neuronale distincts. Les connections « longues distances » semblent moins denses, alors que les connections locales sont parfois renforcées, en particulier dans les régions postérieures, ce qui semble s’accorder avec l’importance atypique accordée aux détails perceptifs et à l’information visuelle chez beaucoup de personnes autistes.

  • Particularités de la mémoire dans les troubles du spectre autistique
  • Hétérogénéité cognitive et variabilité des profils

L’analyse scientifique de la mémoire chez les personnes autistes nécessite d’abord de souligner une caractéristique structurante : la très grande hétérogénéité des profils. Certains individus présentent des aptitudes remarquables, parfois qualifiées d’« îlots de compétence », en particulier dans la mémoire visuelle ou la mémorisation de faits spécifiques. D’autres éprouvent des difficultés considérables dans la récupération d’informations ou dans la mémorisation de séquences verbales. Ainsi, toute généralisation abusive serait trompeuse et négligerait la richesse du spectre autistique.

2. Mémoire épisodique

Les difficultés liées à la mémoire épisodique figurent parmi les phénomènes les plus documentés dans la littérature scientifique sur l’autisme. Plusieurs études convergent sur le fait que les personnes autistes ont tendance à présenter une spécificité réduite, une difficulté à reconstruire le contexte ou à se projeter dans le temps (autonoèse). Ce phénomène est parfois désigné sous le terme d’« amnésie autonoétique ». Cela se traduit par une tendance à encoder des informations factuelles au détriment de l’aspect émotionnel ou contextuel des souvenirs.

Cette particularité s’exprime, par exemple, dans la difficulté à raconter un récit personnel de façon vivante, nuancée et contextuelle. Elle semble liée à la fois à des particularités du fonctionnement de l’hippocampe et à des différences dans la mentalisation, cette capacité à se représenter ses propres états mentaux et ceux d’autrui. Certains chercheurs avancent que ce déficit impacte également la capacité d’imagination et la planification, car la mémoire épisodique est fondamentalement liée à la capacité de se projeter dans l’avenir (prospective memory). Cela limite, chez certains sujets, l’autonomie dans les tâches quotidiennes requérant anticipation et adaptation.

3. Mémoire sémantique et apprentissage verbal

Les compétences relatives à la mémoire sémantique sont, quant à elles, inégales. De nombreux enfants et adultes autistes présentent des connaissances encyclopédiques sur des domaines précis d’intérêt (par exemple, les horaires des trains, les noms de dinosaures ou la structure du système solaire), acquises par une mémorisation intensive et répétée. On parle alors de compétences d’« expert ». Cependant, ces savoirs peuvent parfois être isolés, peu généralistes ou difficiles à relier à d’autres domaines de connaissance.

Concernant la mémoire verbale, la recherche montre que des difficultés émergent souvent dans la mémorisation sérielle (par exemple, rappeler une série de chiffres ou de mots dans l’ordre). À l’inverse, certains autistes, notamment ceux qui présentent peu ou pas de déficience intellectuelle, développent des stratégies compensatoires remarquables leur permettant de rivaliser, voire de dépasser, la moyenne dans certains contextes scolaires.

4. Mémoire de travail

La mémoire de travail, indispensable à l’apprentissage et à la résolution de problèmes, se révèle souvent moins efficiente chez les personnes autistes, quelle que soit la modalité (verbale ou visuelle), bien que la modalité visuo-spatiale puisse rester relativement préservée. Cette limitation s’expose dans la difficulté à suivre des instructions verbales complexes, à intégrer plusieurs informations simultanément, ou à effectuer des tâches nécessitant une alternance cognitive rapide (comme passer d’un raisonnement à l’autre).

Il convient toutefois de préciser que ces résultats ne sont pas universels et connaissent de nombreuses exceptions, dépendant notamment du degré de sévérité du TSA et de la présence ou non de déficience intellectuelle associée.

5. Mémoire procédurale et mémoire implicite

La mémoire procédurale, désignant la capacité à automatiser des procédures ou des habiletés (lacer ses chaussures, jouer d’un instrument, conduire un vélo), a longtemps été supposée épargnée, voire supérieure, chez certaines personnes autistes, en particulier celles présentant des champs d’intérêts restreints ou des routines répétitives. Toutefois, des travaux récents invitent à la prudence : des difficultés d’apprentissage procédural sont parfois observées, notamment lorsque les routines sont perturbées ou dans des situations nouvelles.

La mémoire implicite, qui fonctionne en dehors du champ de la conscience (apprentissage inconscient de règles, d’habitudes), ne se montre pas uniformément préservée. Si certains aspects, tels que la sensibilité à la fréquence d’exposition, semblent comparables à ce que l’on observe dans la population générale, d’autres tâches, notamment celles requérant l’intégration d’indices sociaux implicites, semblent plus difficiles pour les personnes avec TSA.

6. Mémoire autobiographique

La mémoire autobiographique, qui consiste à se souvenir d’éléments personnels et à construire une identité narrative, est fréquemment appréhendée de façon singulière chez les personnes autistes. Les souvenirs sont souvent moins riches sur le plan émotionnel ou contextuel, ce qui contribue à une identité narrative plus factuelle, parfois moins nuancée, et à une difficulté à évoquer des souvenirs sociaux, c’est-à-dire impliquant autrui ou des interactions interpersonnelles. Ce déficit affecte les capacités de partage émotionnel, la cohésion sociale et, potentiellement, la santé mentale.

  • Corrélats comportementaux et implications psychosociales
  • Spécificités dans l’apprentissage et l’éducation

Les particularités mnésiques des personnes autistes ont des conséquences directes sur les stratégies d’apprentissage et la réussite scolaire. Une mémoire visuelle souvent mieux préservée explique pourquoi certains profils tirent avantage d’enseignements basés sur le support visuel (pictogrammes, schémas, organisateurs graphiques). Toutefois, la surcharge cognitive générée par une sollicitation excessive de la mémoire de travail ou l’absence de contextualisation se traduit par des difficultés à généraliser ou à transférer les acquis d’un contexte à l’autre.

L’enseignement structuré, l’utilisation d’aides-mémoire visuelles et de routines stables se révèlent généralement bénéfiques. Par ailleurs, l’identification et la valorisation des intérêts spécifiques permettent souvent de tirer parti des capacités mnésiques exceptionnelles dans certains domaines pour favoriser l’estime de soi et la motivation à apprendre.

2. Conséquences sur les interactions sociales

Sur le plan social, les spécificités mnésiques interviennent à plusieurs niveaux. Les difficultés à mémoriser les visages, à se souvenir des événements sociaux, ou à interpréter correctement des situations interpersonnelles passées entravent la fluidité des interactions et la compréhension implicite des attentes sociales. Par exemple, la mémoire des émotions et des expressions faciales, indispensable à la construction d’un vécu commun, peut être déficitaire, générant des malentendus et un sentiment d’isolement social.

Inversement, la mémorisation littérale de phrases ou d’attitudes sociales peut donner lieu à des interactions perçues comme rigides ou mécaniques. C’est ce qu’on observe parfois dans l’utilisation du langage écholalique, où l’individu répète, de manière verbatim, des segments linguistiques sans nécessairement les contextualiser.

3. Impact sur l’autonomie et la gestion quotidienne

Les limitations dans la mémoire de travail ou la mémoire prospective se répercutent sur l’autonomie au quotidien. Organiser ses affaires, respecter un emploi du temps, anticiper des échéances, ou encore adapter sa conduite à des imprévus présentent des enjeux spécifiques pour de nombreuses personnes autistes. Le recours à des supports externes (applications numériques, listes visuelles, alarmes) a ainsi profondément modifié l’autonomie de certains sujets, illustrant combien l’environnement et l’ingénierie cognitive peuvent compenser les fragilités mnésiques.

4. Risques psychopathologiques associés

La nature atypique de la mémoire autobiographique et épisodique constitue un facteur de vulnérabilité à certains troubles anxiodépressifs. Une mémoire appauvrie des expériences positives, ou à l’inverse, une mémoire hyperfacettée des échecs sociaux, peut accroître le risque de dépression, de ruminations ou de faible estime de soi. Les interventions axées sur la consolidation de souvenirs positifs, l’apprentissage de stratégies de coping mnésique et l’amélioration de l’interprétation des souvenirs sociaux constituent donc des axes thérapeutiques prometteurs.

  • Physiopathologie et théorie du traitement de l’information
  • Le modèle de la cristallisation des détails

De nombreuses recherches soulignent une prédisposition, chez nombre de personnes autistes, à accorder une importance disproportionnée aux détails perceptifs au détriment de la globalité situationnelle, un concept parfois désigné sous l’appellation de « processing local bias ». Ce traitement sélectif de l’information impacte également la mémoire : l’encodage, la consolidation et la récupération des souvenirs privilégient souvent le stockage de fragments d’information décontextualisés. Ainsi, un individu pourra se remémorer avec précision la couleur du sol ou la date d’un rendez-vous, mais éprouver des difficultés à fluidifier leur intégration dans un récit global.

2. Les théories sur la cohérence centrale affaiblie

La théorie dite de la « cohérence centrale affaiblie » postule que les personnes autistes éprouvent une difficulté à organiser et à relier entre elles les informations pour former des ensembles structurés et cohérents. Ce biais se manifeste non seulement dans la perception, mais également dans la mémoire, favorisant la mémorisation de détails aux dépens de la mémoire de l’ensemble, du contexte ou des liens logiques. Cette particularité rend parfois ardue la compréhension de situations nouvelles ou ambiguës.

3. Hypothèse de la sous-connectivité cérébrale

Permettant d’articuler les deux points précédents, l’hypothèse de la sous-connectivité cérébrale suggère que les altérations de la connectivité neuronale, notamment entre les régions frontales et postérieures, expliquent la fragmentation des processus mnésiques chez les personnes autistes. La difficulté à synchroniser efficacement le traitement de multiples modalités d’information vient entraver la cohérence des souvenirs, aussi bien épisodiques que prosociaux.

4. Implications génétiques et développementales

Les recherches génétiques identifient de nombreux gènes susceptibles d’influencer à la fois les processus mnésiques et l’apparition des phénotypes autistiques. Les perturbations du développement cérébral précoce, impliquant l’organisation microstructurelle des zones hippocampiques et frontales, contribuent à façonner les particularités mnésiques observées à l’âge adulte. Au niveau développemental, l’absence ou la faible fréquence d’expériences sociales « typiques » vient limiter la constitution d’une mémoire autobiographique riche et variée.

  • Approches neuropsychologiques et méthodologiques
  • Evaluation clinique de la mémoire chez les personnes autistes

Un des défis majeurs de la recherche actuelle porte sur l’élaboration d’outils d’évaluation sensibles et adaptés à la diversité des profils autistiques. Les tests psychométriques standardisés, bien qu’utiles, présentent des limites : leur contenu est souvent trop verbal ou trop contextualisé socialement pour certains sujets. Ils risquent de sous-estimer les potentialités mnésiques des personnes non verbales ou celles disposant d’un mode d’apprentissage atypique.

Des batteries adaptatives combinant épreuves visuelles, auditives et sociales émergent pour mieux cerner les forces et les faiblesses relatives de chaque individu, favorisant ainsi la mise en place de programmes de remédiation personnalisés.

2. Apports de la neuroimagerie et des techniques innovantes

Les technologies d’imagerie cérébrale avancées (IRM fonctionnelle, connectivité en temps réel, EEG haute densité, etc.) permettent d’explorer in vivo l’organisation des circuits mnésiques et de repérer des signatures neurobiologiques spécifiques à l’autisme. Ces apports s’avèrent cruciaux pour différencier ce qui relève de la comorbidité (par exemple, trouble déficitaire de l’attention, épilepsie) et ce qui constitue un trait original du spectre autistique.

Par ailleurs, l’emploi de l’intelligence artificielle pour analyser les tracés électroencéphalographiques ou les données comportementales ouvre la voie à des diagnostics plus fins et à la prédiction des profils évolutifs.

3. Limites et biais des recherches existantes

La majorité des travaux publiés concerne encore des cohortes relativement homogènes (hommes, sans déficience intellectuelle, occidentaux), ce qui limite la généralisation des résultats à l’ensemble de la population autiste. De plus, les outils statistiques classiques peinent à modéliser une variabilité aussi marquée — d’où la nécessité d’approches méthodologiques nouvelles, telles que l’analyse en clusters ou les méthodes bayésiennes.

  • Stratégies de soutien et pistes thérapeutiques
  • Adaptation pédagogique

L’optimisation des processus d’apprentissage chez les personnes autistes peut, dans de nombreux cas, bénéficier d’une meilleure compréhension de leur profil mnésique. Des programmes individualisés intégrant supports visuels, organisation par étapes, répétition espacée et routines structurées améliorent significativement la mémorisation et la consolidation des acquis.

2. Interventions cognitives ciblées

Les approches neurocognitives proposent des entraînements ciblant la mémoire de travail, la mémoire épisodique ou la récupération d’informations contextuelles. L’entraînement par jeux de rôle, la thérapie de remédiation cognitive ou les interventions centrées sur la narration autobiographique sont en cours d’évaluation dans plusieurs essais pilotes et montrent des résultats prometteurs.

3. Accompagnement psychosocial

Outre la dimension éducative, le soutien psychologique doit intégrer la question de la mémoire autobiographique et sociale. La psychoéducation, l’entraînement aux habiletés sociales, la consolidation de souvenirs positifs et l’apprentissage à identifier et exprimer les émotions constituent des axes d’intervention efficaces pour renforcer la résilience et la qualité de vie des personnes autistes.

4. Utilisation des technologies d’assistance

Les outils numériques, tels que les agendas électroniques, les assistants vocaux et les applications dédiées à la gestion des tâches ou à la visualisation de scénarios sociaux, s’inscrivent dans une logique de compensation, en soulageant la mémoire de travail et en favorisant l’autonomie. Les retours d’expérience incitent cependant à un usage prudent, adapté au niveau de compétence technologique et à la sensibilité individuelle.

  • Évolution des connaissances et perspectives de recherche
  • Vers une personnalisation de l’accompagnement

Les avancées récentes invitent à dépasser l’idée d’un « profil mnésique autistique » unique au profit d’une approche individualisée, tenant compte des atouts et des vulnérabilités propres à chaque personne. L’intégration du vécu subjectif, des préférences sensorielles et des contextes culturels s’annonce incontournable pour la prochaine génération de programmes de prise en charge.

2. Approches transdiagnostiques et dimensionnelles

L’intérêt grandissant pour les modèles dimensionnels de la cognition, qui envisagent les compétences et déficits comme un continuum présent à des degrés divers dans la population générale, invite à relativiser la frontière entre les profils autistiques et non autistiques. L’exploration de ces axes transdiagnostiques pourrait permettre d’améliorer la détection précoce, la compréhension des mécanismes adaptatifs et l’élaboration de stratégies d’inclusion mieux ciblées.

3. Technologies émergentes et recherche participative

L’avènement de l’intelligence artificielle, du machine learning et de la réalité virtuelle offre des opportunités inédites pour la modélisation des profils mnésiques et la proposition d’expériences immersives adaptées aux particularités cognitives autistiques. Parallèlement, la montée de la recherche participative, impliquant directement des personnes autistes dans la conception et l’évaluation des études, garantit une plus grande fidélité aux besoins réels et une meilleure efficacité des solutions proposées.

4. La question de l’éthique

La prise en compte de la diversité cognitive oblige la communauté scientifique à interroger les objectifs et les moyens de la recherche : s’agit-il de « normaliser » la mémoire autistique, ou de valoriser les formes d’intelligence et de mémoire différentes, tout en accompagnant les difficultés qui en découlent ? Cette interrogation, loin d’être purement théorique, conditionne le choix des interventions et la nature même de notre regard sur les personnes autistes et leur vécu.

Conclusion

S’intéresser à la mémoire dans les troubles du spectre autistique, c’est s’ouvrir à la complexité des fonctionnements cognitifs humains. Les recherches accumulées depuis deux décennies montrent que les particularités mnésiques des personnes autistes ne se limitent pas à une simple addition de déficits et de forces, mais s’inscrivent dans une architecture cognitive globalement réorganisée, reflet d’un développement neurologique singulier.

La mémoire, dans ce contexte, joue un rôle pivot, tant dans la construction de l’identité individuelle que dans l’acquisition des apprentissages et la qualité des interactions sociales. Une meilleure compréhension des profils mnésiques, adossée à des outils d’évaluation et d’accompagnement adaptés, permet à la fois d’optimiser les ressources propres à chaque personne et de compenser les fragilités rencontrées.

Face à la diversité des profils, la démarche scientifique doit impérativement s’adapter, en s’appuyant sur des méthodologies innovantes, une écoute attentive des besoins exprimés par les personnes concernées, et des approches éthiques valorisant la neurodiversité. Si certains défis persistent, notamment dans la personnalisation du soutien et la prévention des risques psychopathologiques, les progrès réalisés ouvrent la voie à une prise en compte plus inclusive et respectueuse de la singularité mnésique des personnes autistes.

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