La Maison Du Bilan, Neuropsychologie et psychologie clinique à Paris 9

Quel sont les effets secondaires des médicaments courants sur la fonction mnésique ?


Les coulloirs des hopitaux bruissent depuis des décennies de témoignages de patients décrivant un brouillard cognitif après l’initiation de certains traitements pharmacologiques. Ces récits autrefois relégués au second plan de la littérature médicale occupent désormais une place centrale dans l’étude des effets iatrogènes médicamenteux. L’interface entre pharmacologie et cognition révèle une réalité complexe où l’équilibre thérapeutique se heurte aux conséquences neurophysiologiques parfois insidieuses des molécules prescrites.

La mémoire, cette fonction cognitive hautement sophistiquée, demeure particulièrement vulnérable aux perturbations chimiques induites par notre pharmacopée moderne. Les mécanismes sous-jacents à cette vulnérabilité impliquent des voies neurobiologiques multiples, des cascades de neurotransmetteurs aux modifications épigénétiques, créant un réseau d’interactions dont la compréhension nécessite une approche interdisciplinaire rigoureuse.

Cet article propose une une lecture rapide de l’impact des classes médicamenteuses couramment prescrites sur la fonction mnésique, en distinguant les effets transitoires des altérations persistantes, et en explorant les mécanismes neurobiologiques sous-jacents qui pourraient expliquer ces phénomènes.

A. Mécanismes neurobiologiques de la mémoire et vulnérabilités pharmacologiques

A.1. Architecture neuronale de la mémoire

La fonction mnésique s’articule autour d’un réseau neuronal distribué impliquant principalement l’hippocampe, le cortex préfrontal et l’amygdale. La potentialisation à long terme (PLT) constitue le substrat électrophysiologique fondamental de l’encodage mnésique, reposant sur l’activité glutamatergique médiée par les récepteurs NMDA. Cette plasticité synaptique s’appuie également sur la régulation précise des systèmes cholinergiques, dopaminergiques et sérotoninergiques.

Les travaux récents en neuroimagerie fonctionnelle ont permis d’identifier des “empreintes mnésiques” spécifiques lors des processus d’encodage et de récupération, impliquant des réseaux neuronaux distincts mais interconnectés. Cette architecture complexe présente de multiples sites potentiels d’interférence pharmacologique.

A.2. Vulnérabilités neurochimiques face aux agents pharmacologiques

Les systèmes de neurotransmission impliqués dans la mémoire présentent une sensibilité différentielle aux agents pharmacologiques. Le système cholinergique, fondamental pour l’attention et l’encodage, constitue une cible particulièrement vulnérable. L’inhibition des récepteurs muscariniques ou nicotiniques entraîne typiquement des déficits d’acquisition mnésique. Les circuits glutamatergiques, essentiels à la PLT, peuvent être perturbés par des antagonistes NMDA, provoquant des déficits dans la consolidation de la mémoire.

La modulation des systèmes GABAergiques induit généralement une amnésie antérograde par suppression de l’encodage initial, tandis que l’altération des voies dopaminergiques affecte préférentiellement les fonctions exécutives sous-tendant les processus mnésiques.

B. Les anticholinergiques : modulateurs puissants de la fonction mnésique

B.1. Médicaments à propriétés anticholinergiques et leurs mécanismes d’action

Les anticholinergiques englobent une vaste catégorie de médicaments incluant les antihistaminiques de première génération (diphenhydramine), certains antipsychotiques (clozapine), antidépresseurs tricycliques (amitriptyline), et antiparkinsoniens (trihexyphénidyle). Leur action inhibitrice sur les récepteurs muscariniques perturbe la transmission cholinergique centrale, essentielle à l’attention et l’encodage mnésique.

La charge anticholinergique cumulée, évaluée par des échelles validées comme l’Anticholinergic Cognitive Burden Scale, corrèle significativement avec le degré d’altération cognitive observée. Les études pharmacocinétiques montrent que la liposolubilité élevée de certains agents favorise leur pénétration de la barrière hémato-encéphalique, amplifiant leurs effets centraux.

B.2. Impact clinique sur les différents systèmes mnésiques

Les recherches cliniques démontrent que les anticholinergiques affectent principalement la mémoire épisodique et la mémoire de travail, tout en préservant relativement la mémoire procédurale et sémantique. Les déficits observés concernent prioritairement l’acquisition de nouvelles informations plutôt que la récupération de souvenirs anciens.

Une méta-analyse récente de 68 études contrôlées randomisées révèle une diminution moyenne de 0,45 écart-type des performances mnésiques sous anticholinergiques à doses thérapeutiques. Ces effets s’avèrent plus prononcés chez les sujets âgés et s’amplifient avec l’exposition chronique, potentiellement par désensibilisation progressive des récepteurs cholinergiques.

C. Benzodiazépines et Z-drugs : perturbateurs de la consolidation mnésique

C.1. Pharmacodynamique et effets cognitifs des modulateurs GABAergiques

Les benzodiazépines (diazépam, alprazolam, lorazépam) et les hypnotiques apparentés (zolpidem, zopiclone) potentialisent l’action inhibitrice du GABA en se liant aux récepteurs GABA-A. Cette amplification de l’inhibition neuronale perturbe l’activité oscillatoire hippocampique nécessaire à la consolidation mnésique.

Les études en tomographie par émission de positrons (TEP) ont démontré une réduction significative du métabolisme glucidique dans les régions temporales médiales et préfrontales sous benzodiazépines, corrélée à l’intensité des déficits mnésiques. La modulation allostérique des récepteurs GABA-A interfère spécifiquement avec les processus de synchronisation neuronale impliqués dans la stabilisation des traces mnésiques.

C.2. Amnésie antérograde et autres déficits mnésiques induits

L’amnésie antérograde constitue l’effet cognitif le plus caractéristique des benzodiazépines, avec une altération dose-dépendante de l’encodage et de la consolidation des informations. Ce phénomène, exploité thérapeutiquement en anesthésiologie, représente un effet indésirable significatif en pratique clinique quotidienne.

Les études neuropsychologiques révèlent une dissociation entre mémoire explicite (sévèrement compromise) et implicite (relativement préservée). La persistance d’apprentissages implicites malgré l’amnésie déclarative suggère une atteinte sélective des circuits hippocampiques plutôt qu’une perturbation cognitive globale.

Les benzodiazépines à demi-vie longue et leurs métabolites actifs produisent des déficits mnésiques plus durables, persistant parfois au-delà de l’effet anxiolytique recherché. L’usage chronique induit des adaptations neurophysiologiques pouvant compromettre durablement les capacités mnésiques même après l’arrêt du traitement.

D. Statines et fonction cognitive : controverse et mécanismes potentiels

D.1. Données épidémiologiques et cliniques contradictoires

La question de l’impact des statines sur la cognition a généré une littérature scientifique polarisée. Certaines études observationnelles et séries de cas ont rapporté des plaintes mnésiques chez 1-2% des utilisateurs de statines, conduisant la FDA à émettre en 2012 une mise en garde concernant de potentiels effets cognitifs.

Cependant, des essais contrôlés randomisés de grande envergure comme PROSPER, HOPE-3 et HPS n’ont pas confirmé ces observations. Une méta-analyse récente incluant 27 études (n=23,443 participants) n’a pas révélé d’association significative entre l’utilisation de statines et le déclin cognitif global. Des analyses secondaires suggèrent même un effet potentiellement protecteur contre la démence vasculaire.

D.2. Hypothèses neurobiologiques des effets cognitifs des statines

Plusieurs mécanismes pourraient théoriquement expliquer les effets des statines sur la cognition. L’hypothèse principale concerne la réduction de la synthèse du cholestérol cérébral, composant essentiel des membranes neuronales et de la myéline. Le cholestérol participe également à la synaptogenèse et module les récepteurs de neurotransmetteurs, notamment cholinergiques et glutamatergiques.

Des études expérimentales suggèrent que les statines lipophiles (simvastatine, atorvastatine) traversent plus facilement la barrière hémato-encéphalique que leurs homologues hydrophiles (pravastatine, rosuvastatine), expliquant potentiellement les différences d’effets neuropsychiatriques observées entre ces molécules.

Paradoxalement, les propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes des statines pourraient exercer un effet neuroprotecteur, contrebalançant d’éventuels effets délétères sur le métabolisme lipidique neuronal. Cette dualité d’action pourrait expliquer l’hétérogénéité des observations cliniques.

E. Antiépileptiques : effets différentiels selon les mécanismes d’action

E.1. Diversité des mécanismes pharmacologiques et conséquences cognitives

Les antiépileptiques constituent une classe hétérogène tant par leurs structures chimiques que par leurs mécanismes d’action. Les antiépileptiques traditionnels (phénytoïne, phénobarbital) exercent principalement une inhibition des canaux sodiques voltage-dépendants et potentialisent la neurotransmission GABAergique. Les composés plus récents présentent des mécanismes additionnels, comme l’antagonisme glutamatergique (lamotrigine) ou la modulation des canaux calciques (gabapentine).

Cette diversité mécanistique explique le spectre variable d’effets cognitifs observés. Les études comparatives montrent que le topiramate, qui combine plusieurs mécanismes d’action, produit des effets mnésiques plus prononcés que la lamotrigine ou le lévétiracétam, dont les mécanismes sont plus sélectifs.

E.2. Profils cognitifs différentiels et implications cliniques

Les déficits mnésiques induits par les antiépileptiques concernent principalement l’attention soutenue, la mémoire de travail et la vitesse de traitement, fonctions sous-tendant l’efficacité mnésique globale. Des analyses factorielles suggèrent que l’altération attentionnelle précède et amplifie les déficits mnésiques proprement dits.

Les données neuropsychologiques révèlent des profils d’atteinte spécifiques : le topiramate affecte préférentiellement les fonctions verbales et exécutives, tandis que la carbamazépine impacte davantage la vitesse psychomotrice. La polythérapie antiépileptique génère typiquement des effets cognitifs plus marqués que la monothérapie, suggérant une additivité des mécanismes délétères.

La variabilité interindividuelle des effets cognitifs s’explique partiellement par des facteurs pharmacogénétiques, notamment des polymorphismes des cytochromes P450 influençant le métabolisme de ces molécules.

F. Chimiothérapie et “chemobrain” : mécanismes et réversibilité

F.1. Données probantes sur le dysfonctionnement cognitif post-chimiothérapie

Le concept de “chemobrain” désigne les troubles cognitifs survenant après chimiothérapie anticancéreuse, touchant 17-75% des patients selon les études. Initialement contesté, ce phénomène est désormais validé par des données neuropsychologiques, neuroimagerie et modèles précliniques rigoureux.

Les atteintes concernent principalement la mémoire épisodique, les fonctions exécutives et la vitesse de traitement. Les études longitudinales révèlent que ces déficits persistent chez environ 30% des patients au-delà de 5 ans post-traitement, affectant significativement leur qualité de vie professionnelle et personnelle.

L’imagerie cérébrale fonctionnelle des survivants du cancer montre typiquement une hyperactivation compensatoire des circuits frontaux lors de tâches mnésiques, suggérant une réorganisation neuronale face à l’inefficience du traitement cognitif.

F.2. Mécanismes neurotoxiques et stratégies de prévention

Les mécanismes de neurotoxicité impliquent stress oxydatif, neuroinflammation, perturbation de la barrière hémato-encéphalique et réduction de la neurogenèse hippocampique. Les agents alkylants (cyclophosphamide) et les antimétabolites (méthotrexate) démontrent une neurotoxicité particulièrement prononcée dans les modèles animaux.

Des facteurs génétiques modulant la vulnérabilité individuelle ont été identifiés, notamment les polymorphismes des gènes APOE, BDNF et COMT. Ces biomarqueurs pourraient permettre l’identification précoce des patients à risque accru de déficits cognitifs post-chimiothérapie.

Des approches préventives émergentes incluent l’utilisation d’agents neuroprotecteurs comme le lithium à dose faible, les antioxydants ciblés et les modulateurs de la neuroinflammation. Les interventions cognitives précoces montrent également des résultats prometteurs pour atténuer l’impact fonctionnel du “chemobrain”.

G. Corticostéroïdes : effets aigus versus chroniques sur l’hippocampe

G.1. Biphasie des effets glucocorticoïdes sur la plasticité hippocampique

Les glucocorticoïdes exercent des effets biphasiques sur la fonction hippocampique selon la durée d’exposition et le niveau d’activation des récepteurs. En condition aiguë, ils facilitent la potentialisation à long terme via les récepteurs minéralocorticoïdes, améliorant temporairement certains aspects mnésiques. Cette phase initiale représenterait une adaptation adaptative au stress.

L’exposition chronique induit en revanche une cascade délétère impliquant l’hyperactivation des récepteurs glucocorticoïdes, conduisant à l’atrophie dendritique hippocampique, la réduction de la neurogenèse et l’altération des fonctions glutamatergiques. Cette neurotoxicité hippocampique explique les déficits mnésiques associés à la corticothérapie prolongée.

G.2. Manifestations cliniques et stratégies d’atténuation

Cliniquement, la corticothérapie courte induit principalement des perturbations du sommeil et de l’humeur affectant indirectement la cognition. En revanche, l’exposition prolongée (>3 mois) provoque des déficits mnésiques objectivables, touchant particulièrement la mémoire déclarative dépendante de l’hippocampe.

Une méta-analyse récente de 19 études prospectives révèle une diminution moyenne de 0,41 écart-type des performances en mémoire déclarative sous corticothérapie prolongée à dose moyenne à forte, avec une relation dose-réponse significative. Ces effets sont partiellement réversibles à l’arrêt du traitement, mais la récupération peut s’étaler sur plusieurs mois.

Les stratégies d’atténuation incluent l’utilisation de schémas thérapeutiques intermittents, la supplémentation en magnésium et les approches cognitivo-comportementales de gestion du stress, qui sembleraient réduire la vulnérabilité hippocampique aux glucocorticoïdes.

H. Anesthésiques et mémoire : du déficit post-opératoire au dysfonctionnement cognitif persistant

H.1. Mécanismes moléculaires de l’amnésie induite par les anesthésiques

Les anesthésiques généraux modulent diverses cibles moléculaires centrales dont les récepteurs GABA-A, NMDA et les canaux potassiques TREK-1. L’amnésie induite implique principalement l’inhibition des récepteurs NMDA et la potentialisation GABAergique dans l’hippocampe et l’amygdale, structures essentielles à l’encodage mnésique.

L’imagerie optique in vivo a démontré que les anesthésiques volatils (isoflurane, sévoflurane) réduisent la densité et la dynamique des épines dendritiques hippocampiques, perturbant les substrats structurels de la mémoire. Cette réorganisation synaptique persiste au-delà de l’élimination pharmacocinétique des agents anesthésiques.

H.2. Dysfonctionnement cognitif postopératoire : facteurs contributifs et stratégies préventives

Le dysfonctionnement cognitif postopératoire (DCPO) touche 10-40% des patients âgés dans les trois mois suivant une intervention chirurgicale majeure. Si l’anesthésie a été initialement incriminée, les données actuelles suggèrent un mécanisme multifactoriel impliquant la neuroinflammation périphérique, l’hypercoagulabilité et la perturbation de la barrière hémato-encéphalique.

Des études comparant anesthésie générale et régionale montrent des différences modestes en termes d’incidence de DCPO, suggérant que l’acte chirurgical lui-même constitue un facteur majeur. Toutefois, certains agents anesthésiques, notamment le propofol, démontrent des propriétés potentiellement neuroprotectrices par rapport aux anesthésiques volatils traditionnels.

Les stratégies préventives actuellement évaluées incluent le monitoring peropératoire de la profondeur anesthésique, la neuroprotection pharmacologique ciblée et les protocoles de réhabilitation cognitive précoce. L’efficacité de ces approches reste à confirmer par des essais multicentriques de grande envergure.

I. Médicaments cardiovasculaires et impact cognitif : entre protection et perturbation

I.1. Antihypertenseurs : effets différentiels selon les classes pharmacologiques

La régulation optimale de la pression artérielle exerce un effet protecteur sur la cognition à long terme, mais les différentes classes d’antihypertenseurs présentent des profils cognitifs distincts à court terme. Les antagonistes calciques et inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) affichent généralement un profil neutre ou favorable sur la cognition, améliorant potentiellement le flux sanguin cérébral sans interférer directement avec les systèmes de neurotransmission.

En revanche, les bêta-bloquants, particulièrement les molécules lipophiles comme le propranolol, peuvent potentiellement affecter la mémoire émotionnelle par blocage des récepteurs β-adrénergiques centraux impliqués dans la consolidation des souvenirs émotionnels. Cette propriété est d’ailleurs exploitée expérimentalement dans le traitement du syndrome de stress post-traumatique.

I.2. Anticoagulants et antiagrégants : balance bénéfice-risque cognitive

Les anticoagulants et antiagrégants plaquettaires exercent des effets cognitifs indirects plutôt que des interactions directes avec les systèmes mnésiques. Leur action préventive sur les microembolies cérébrales et l’hypoperfusion chronique confère un bénéfice cognitif à long terme, particulièrement dans les populations à risque vasculaire élevé.

Toutefois, le risque hémorragique associé, notamment les microsaignements cérébraux, peut contrebalancer ces bénéfices. Les études de neuroimagerie chez les patients sous anticoagulation prolongée révèlent une prévalence accrue de microsaignements, corrélés à des performances mnésiques légèrement réduites dans certaines cohortes gériatriques. Cette balance bénéfice-risque cognitive justifie une évaluation individualisée, particulièrement chez le sujet âgé fragile.

J. Stratégies d’évaluation et de gestion des effets médicamenteux sur la mémoire

J.1. Évaluation neuropsychologique des effets iatrogènes sur la mémoire

L’évaluation systématisée des effets médicamenteux sur la mémoire nécessite une approche multidimensionnelle, combinant mesures objectives et subjectives. Les batteries neuropsychologiques standardisées comme le RBANS (Repeatable Battery for the Assessment of Neuropsychological Status) ou le MoCA (Montreal Cognitive Assessment) permettent une détection sensible des altérations cognitives subtiles.

L’évaluation différentielle des sous-systèmes mnésiques (verbale/non-verbale, immédiate/différée, explicite/implicite) offre une caractérisation précise du profil d’atteinte, orientant vers des mécanismes pharmacologiques spécifiques. L’inclusion d’échelles de plaintes subjectives comme le CFQ (Cognitive Failures Questionnaire) complète l’évaluation en capturant l’impact fonctionnel des déficits.

J.2. Approches préventives et thérapeutiques face aux déficits mnésiques iatrogènes

La prévention primaire repose sur l’optimisation pharmacologique (prescription adaptée au profil du patient, minimisation des interactions, choix de molécules à moindre impact cognitif). Le concept de “déprescription” gagne en importance, particulièrement en gériatrie, avec des protocoles validés guidant la réduction progressive des médications non essentielles.

Les interventions compensatoires incluent la remédiation cognitive spécifique, les stratégies mnémotechniques externes et l’adaptation environnementale. Des approches pharmacologiques adjuvantes comme les procognitifs (inhibiteurs de l’acétylcholinestérase, modulateurs glutamatergiques) peuvent être envisagées dans les cas sévères, bien que leur efficacité dans ce contexte demeure modeste.

Le soutien psycho-éducatif aux patients et aidants constitue une dimension essentielle de la prise en charge, améliorant l’adhésion thérapeutique et facilitant l’adaptation aux difficultés cognitives résiduelles.

Conclusion

L’analyse des interactions entre médications et fonction mnésique révèle un tableau complexe où s’entrecroisent effets directs sur les systèmes de neurotransmission, modulation de la plasticité synaptique et conséquences indirectes via l’homéostasie cérébrale. La diversité des mécanismes impliqués explique l’hétérogénéité des manifestations cliniques observées, allant de l’amnésie antérograde aiguë aux déficits subtils et chroniques.

Les avancées récentes en neuropharmacologie et neuroimagerie fonctionnelle offrent une compréhension plus raffinée de ces phénomènes, permettant une meilleure prédiction et gestion des effets iatrogènes. L’émergence de la médecine personnalisée, intégrant profils pharmacogénétiques et facteurs de vulnérabilité cognitive individuelle, promet d’optimiser le rapport bénéfice-risque des interventions pharmacologiques.

Dans une perspective clinique, l’équilibre entre efficacité thérapeutique et préservation cognitive constitue un objectif fondamental, particulièrement chez les populations vulnérables comme les personnes âgées ou souffrant de fragilité cognitive préexistante. Cette préoccupation devrait s’intégrer systématiquement dans le raisonnement clinique, guidant tant la prescription initiale que le suivi thérapeutique à long terme.

La reconnaissance des effets médicamenteux sur la mémoire ne doit pas conduire à une méfiance excessive envers la pharmacothérapie, mais plutôt favoriser une vigilance constructive et une démarche thérapeutique nuancée, où les bénéfices attendus sont systématiquement mis en balance avec les risques cognitifs potentiels, dans une approche véritablement centrée sur le patient.

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