Comment faire hospitaliser un proche en détresse sur demande d’un tiers ?
Se trouver confronté à la détresse psychique aiguë d’un proche est une épreuve d’une rare violence. C’est une intrusion du chaos dans l’ordonnancement des affections, un basculement où l’amour et l’inquiétude se heurtent à l’incompréhension, voire au rejet. Lorsque cette détresse atteint un point de paroxysme tel que la personne semble constituer un danger pour elle-même ou pour autrui, une question redoutable émerge, lourde de conséquences morales et juridiques : comment agir pour la protéger, parfois contre sa propre volonté ? L’acte consistant à solliciter une hospitalisation sous contrainte n’est pas anodin. Il constitue une immixtion profonde dans les libertés fondamentales d’un individu, au premier rang desquelles figure la liberté d’aller et venir et le droit de consentir à ses soins.
Le législateur français, conscient de cette antinomie fondamentale entre la nécessité de protection et le respect de l’autonomie de la personne, a bâti un édifice juridique complexe, un mécanisme d’horlogerie fine où chaque rouage a son importance. Cet édifice, principalement codifié au sein du Code de la santé publique, ne laisse que peu de place à l’improvisation. Il ne s’agit pas d’une démarche intuitive, mais d’une procédure strictement encadrée, dont la méconnaissance peut entraîner la nullité de la mesure et, par conséquent, un échec dans la protection de la personne vulnérable.
Cet article n’a pas pour vocation de se substituer à une consultation juridique ou médicale, mais d’offrir un éclairage rigoureux et concret sur les voies légales permettant d’initier des soins psychiatriques sans le consentement de l’intéressé. Nous aborderons, avec la précision requise par la gravité du sujet, les différentes procédures, les conditions de leur mise en œuvre, le rôle crucial des certificats médicaux, les garanties juridictionnelles offertes au patient et les responsabilités qui incombent au tiers demandeur. Naviguer dans ces eaux troubles exige non seulement du courage, mais aussi une connaissance claire du droit. Car c’est dans le respect scrupuleux de la procédure que se trouve le fragile équilibre entre l’impérieux devoir de porter secours et la sauvegarde intangible des libertés individuelles.
A. Le Cadre Juridique des Soins Psychiatriques Sans Consentement : Un Dispositif d’Exception
Avant d’entrer dans le détail des démarches pratiques, il est impératif de comprendre la philosophie qui sous-tend le droit français en la matière. Le principe cardinal, inscrit à l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique, est celui du consentement libre et éclairé du patient aux actes et traitements qui lui sont proposés. Toute atteinte à ce principe doit être exceptionnelle, motivée et strictement encadrée par la loi.
Les soins psychiatriques sans consentement (SPSC) ne sont donc envisageables que lorsque plusieurs conditions cumulatives sont réunies. Ces conditions, définies à l’article L. 3211-2-1 du même code, sont le socle de toute la procédure :
- Les troubles mentaux de la personne rendent son consentement impossible.
- Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière dans le cadre d’un programme de soins.
La loi du 5 juillet 2011, réformée à plusieurs reprises depuis, a refondu les anciennes notions d’« hospitalisation à la demande d’un tiers » (HDT) et d’« hospitalisation d’office » (HO). Elle a instauré un régime plus large de « soins psychiatriques sans consentement », qui peuvent prendre diverses formes (hospitalisation complète, soins ambulatoires, programme de soins à domicile, etc.). Cette évolution terminologique n’est pas neutre : elle vise à déstigmatiser la prise en charge et à la recentrer sur la notion de « soin », tout en diversifiant les modalités pour les adapter au mieux à l’état du patient.
On distingue aujourd’hui principalement trois grandes procédures d’admission en SPSC, qui répondent à des situations distinctes :
- L’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers (SPDT), y compris sa variante pour l’urgence (SPDTU). C’est la procédure la plus fréquente initiée par l’entourage.
- L’admission en soins psychiatriques pour péril imminent (SPI). Cette procédure est activée lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir une demande de tiers mais que le risque pour la personne est avéré.
- L’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État (SPDRE). Cette mesure est prise lorsque les troubles mentaux de la personne compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
Chacune de ces voies légales obéit à un formalisme rigoureux, dont nous allons maintenant détailler les étapes concrètes. Le respect de ce formalisme n’est pas une simple contrainte administrative ; il constitue la garantie que la privation de liberté imposée au patient est légitime et contrôlée.
B. La Procédure d’Admission en Soins Psychiatriques à la Demande d’un Tiers (SPDT) : La Voie Classique
Il s’agit du cas de figure où un proche (un membre de la famille, un ami, une personne agissant dans l’intérêt du patient) constate une dégradation de l’état mental de la personne qui, selon lui, nécessite des soins immédiats sous contrainte. La procédure, définie par l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique, est une architecture en trois piliers : la demande du tiers, les certificats médicaux et la décision du directeur de l’établissement d’accueil.
La formulation de la demande par le tiers
Le premier acte de la procédure est la rédaction d’une demande d’admission manuscrite par un tiers.
- Qui peut être tiers ? La loi est assez large. Il peut s’agir d’un membre de la famille, d’un conjoint, d’un partenaire de PACS, d’un concubin, mais aussi d’un ami, d’un voisin ou de toute personne justifiant de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui permettant d’agir dans son intérêt. Les personnels soignants ou la direction de l’établissement d’accueil ne peuvent pas être le tiers demandeur. Cette interdiction vise à prévenir tout conflit d’intérêts.
- La forme de la demande : La demande doit impérativement être manuscrite, datée et signée par le tiers. Elle doit comporter une identité complète : nom, prénom, date de naissance, profession et domicile du demandeur et de la personne malade. Le demandeur doit également préciser la nature des relations qui l’unissent au patient. Un point crucial est que le demandeur doit attester sur l’honneur agir dans le seul intérêt du patient. Bien que la loi n’exige pas une description détaillée des troubles, il est fortement recommandé de décrire de manière factuelle et sobre les comportements récents qui motivent la demande (propos incohérents, isolement extrême, auto-négligence, menaces, etc.).
- La pièce d’identité : Le tiers doit joindre à sa demande une photocopie de sa pièce d’identité.
Cette demande n’est pas un acte anodin. En la signant, le tiers engage sa responsabilité. Une demande abusive ou manifestement infondée pourrait, en théorie, donner lieu à des poursuites.
La production des certificats médicaux circonstanciés
C’est le cœur de la procédure, le fondement médical qui vient objectiver la demande du tiers. La loi exige la production de deux certificats médicaux circonstanciés.
- Le contenu des certificats : Chaque certificat doit décrire précisément l’état mental de la personne et les manifestations des troubles. Il doit constater que les troubles rendent impossible le consentement de la personne et que son état impose des soins psychiatriques immédiats. Le médecin doit également indiquer les raisons pour lesquelles l’hospitalisation complète est, à ce stade, la seule modalité de soins adaptée. Il doit être le plus factuel possible, rapportant les propos du patient et décrivant ses comportements.
- Les auteurs des certificats :
- Le premier certificat peut être établi par n’importe quel médecin, qu’il soit généraliste, spécialiste, ou médecin d’un service d’urgence. Il est souvent rédigé par le médecin traitant ou un médecin de SOS Médecins appelé au domicile.
- Le second certificat doit être établi par un médecin qui n’exerce pas dans l’établissement d’accueil. Ce second médecin peut être, lui aussi, n’importe quel médecin (généraliste, psychiatre libéral, etc.). L’exigence cruciale est qu’il ne doit exister aucun lien de parenté ou d’alliance, jusqu’au quatrième degré inclus, entre les deux médecins signataires, ni entre les médecins et le directeur de l’établissement, ni entre les médecins et le tiers demandeur.
- Le délai entre les certificats : La loi impose un délai maximal de 15 jours entre les deux certificats. En pratique, pour que la situation d’urgence soit crédible, ce délai est souvent bien plus court.
- Absence de consultation préalable : Il est important de noter que les médecins n’ont pas l’obligation d’informer le patient de la nature de leur examen lorsqu’ils estiment que cette information pourrait compromettre l’efficacité des soins.
Obtenir ces deux certificats est souvent l’étape la plus délicate. Elle implique de convaincre deux médecins distincts de la nécessité d’une mesure privative de liberté, sur la base d’un examen clinique qui peut être difficile à mener si le patient est opposant ou mutique.
La décision du directeur de l’établissement
Une fois le dossier constitué (demande du tiers + deux certificats médicaux), il doit être présenté à un établissement de santé autorisé à dispenser des soins psychiatriques sans consentement (généralement un centre hospitalier avec un service de psychiatrie).
Le directeur de l’établissement prononce alors la décision d’admission en SPDT. Cette décision n’est pas discrétionnaire ; elle est conditionnée par la régularité formelle du dossier. Le directeur vérifie que toutes les pièces sont présentes et conformes aux exigences légales.
Une fois la personne admise, une période d’observation et de soins initiale de 72 heures s’ouvre.
- Examen somatique complet : Dans les 24 heures suivant l’admission, le patient doit faire l’objet d’un examen somatique complet.
- Certificat de 24 heures : Un psychiatre de l’établissement doit examiner le patient dans les 24 heures et rédiger un nouveau certificat médical confirmant ou infirmant la nécessité de maintenir les soins sous contrainte. S’il infirme la mesure, le directeur doit la lever immédiatement.
- Certificat de 72 heures : Un autre psychiatre de l’établissement doit de nouveau examiner le patient avant la fin de la 72ème heure et rédiger un certificat proposant la forme de la prise en charge (hospitalisation complète ou programme de soins) et, le cas échéant, la poursuite de la mesure. C’est sur la base de cet avis que le directeur prononcera le maintien ou la levée des soins.
C. Les Procédures d’Urgence : SPDTU et Péril Imminent (SPI)
La procédure classique de SPDT peut s’avérer trop lente face à une crise aiguë. Le législateur a donc prévu deux mécanismes accélérés.
L’admission en SPDT en cas d’urgence (SPDTU)
Cette procédure, également régie par l’article L. 3212-1, est une simplification de la voie classique lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade.
- La simplification : Au lieu des deux certificats médicaux préalables, un seul certificat suffit pour prononcer l’admission. Ce certificat doit émaner d’un médecin qui peut, le cas échéant, exercer dans l’établissement d’accueil (par exemple, un médecin du service d’accueil des urgences). Il doit explicitement mentionner le “risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade” qui justifie le recours à la procédure d’urgence.
- La régularisation : La procédure doit ensuite être complétée. Le certificat médical de 24 heures et celui de 72 heures, rédigés par des psychiatres de l’établissement, viendront confirmer la nécessité des soins et la mesure sera ensuite soumise au même régime de contrôle que la SPDT classique.
- La demande du tiers : La demande manuscrite du tiers reste une condition indispensable.
En pratique, c’est souvent cette voie qui est utilisée. La famille, paniquée, contacte les services d’urgence (SAMU, pompiers) ou emmène le proche aux urgences d’un hôpital général. Le médecin urgentiste rédige alors le premier certificat, et la famille est invitée à rédiger sur-le-champ la demande de tiers.
L’admission pour péril imminent (SPI)
Cette procédure, définie à l’article L. 3212-1 II 2°, est encore plus exceptionnelle. Elle est conçue pour les situations où il existe un péril imminent pour la santé de la personne, mais qu’il est impossible d’obtenir une demande de tiers.
- Les conditions : Deux conditions cumulatives doivent être réunies :
a. Un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical.
b. L’impossibilité d’obtenir à temps une demande de tiers. C’est le cas, par exemple, d’une personne totalement isolée, dont on ne connaît aucun proche, ou dont la famille est injoignable ou refuse de faire la demande. - La procédure :
- L’admission est prononcée par le directeur de l’établissement au vu d’un unique certificat médical. Ce certificat doit émaner d’un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil (sauf en cas d’impossibilité avérée). Il doit clairement attester du péril imminent et de l’impossibilité d’obtenir la demande d’un tiers.
- Une fois la personne admise, l’établissement a l’obligation de tout mettre en œuvre pour retrouver la famille ou les proches. Le directeur doit les informer de l’admission et de leur droit de formuler une demande de tiers. S’ils le font, la procédure bascule en SPDT.
- Si aucun tiers ne se manifeste ou ne fait de demande, la mesure est maintenue sous le régime du péril imminent et suit les mêmes étapes de contrôle (certificats de 24h, 72h, et contrôle du juge).
Cette procédure est cruciale pour la prise en charge de personnes en grande précarité, sans domicile fixe, ou en rupture totale avec leur environnement social et familial.
D. L’Admission sur Décision du Représentant de l’État (SPDRE) : L’Intervention de l’Ordre Public
Cette troisième voie, régie par les articles L. 3213-1 et suivants, est d’une nature différente. Elle n’est pas initiée par les proches ou les médecins dans le seul intérêt du patient, mais par l’autorité publique pour des motifs de sécurité.
Les conditions : La SPDRE est possible lorsque les troubles mentaux d’une personne :
- compromettent la sûreté des personnes (par exemple, menaces graves, agressions) ;
- ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
L’initiateur de la mesure : La décision est prise par le préfet (ou, à Paris, le préfet de police), généralement sur la base d’un signalement (des forces de l’ordre, du maire, d’un tiers) et obligatoirement au vu d’un certificat médical circonstancié.
Le certificat médical : Ce certificat unique doit être rédigé par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil. Il doit constater les troubles, l’impossibilité du consentement et la nécessité des soins. Il n’a pas à se prononcer sur la notion d’ordre public, qui relève de l’appréciation du préfet.
La procédure d’urgence (SPDREU) : En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical (ou à défaut, par la notoriété publique), le maire (ou à Paris, le commissaire de police) peut prendre des mesures provisoires à l’encontre de la personne (par exemple, la faire conduire à l’hôpital). Le préfet doit être informé dans les 24 heures et c’est lui qui statuera ensuite sur l’admission en SPDRE, après avoir recueilli un avis médical.
Pour un proche, cette procédure est souvent subie et non initiée. Elle survient lorsque la crise a débordé l’espace privé pour s’inscrire dans l’espace public, souvent par l’intervention de la police ou de la gendarmerie.
E. Le Contrôle Juridictionnel Systématique : Le Juge des Libertés et de la Détention (JLD)
La loi de 2011 a introduit une avancée majeure pour les droits des patients : le contrôle systématique par un juge judiciaire, le Juge des Libertés et de la Détention (JLD), de toute mesure d’hospitalisation complète sans consentement. Le JLD est le gardien de la liberté individuelle, et son intervention garantit qu’aucune privation de liberté ne se prolonge sans un examen par une autorité indépendante.
- La saisine du JLD : Le directeur de l’établissement doit saisir le JLD avant l’expiration d’un délai de 12 jours à compter de l’admission en hospitalisation complète. Si la mesure est maintenue au-delà, elle doit de nouveau être soumise au JLD avant l’expiration d’un délai de 6 mois.
- L’audience : L’audience se tient généralement dans une salle dédiée au sein de l’hôpital. Elle n’est pas publique pour préserver le secret médical et la dignité du patient.
- Les droits du patient durant l’audience :
- Assistance d’un avocat : Le patient doit être informé de son droit à être assisté par un avocat, choisi par lui ou commis d’office. C’est un droit fondamental.
- Présence à l’audience : Le patient a le droit d’être présent et d’être entendu. Il ne peut en être dispensé que sur avis médical motivé, si son état de santé ne le permet pas ou si l’audience risque d’aggraver son état. Dans ce cas, il est représenté par son avocat.
- Droit de faire appel : La décision du JLD est susceptible d’appel dans un délai de 10 jours.
- Le rôle du JLD : Le juge n’est pas médecin. Il ne se prononce pas sur le bien-fondé du diagnostic ou du traitement. Son contrôle porte sur la régularité de la procédure et sur le bien-fondé de la mesure au regard des exigences légales. Il va vérifier :
- Que toutes les pièces du dossier sont conformes (demande de tiers, certificats médicaux, etc.).
- Que les certificats sont suffisamment motivés.
- Que la nécessité de maintenir une mesure d’hospitalisation complète (la plus restrictive de liberté) est toujours avérée, et qu’une alternative moins contraignante (comme un programme de soins ambulatoires) ne serait pas suffisante.
- La décision du JLD : À l’issue de l’audience, le JLD peut rendre trois types de décisions :
- Ordonner la mainlevée de la mesure :S’il constate une irrégularité dans la procédure ou si les conditions de fond ne sont plus réunies, il ordonne la sortie immédiate du patient.
- Autoriser le maintien de l’hospitalisation complète : S’il estime la procédure régulière et la mesure toujours justifiée.
- Ordonner que la mesure se poursuive sous une autre forme : Il peut décider que l’hospitalisation complète n’est plus nécessaire mais que des soins sans consentement doivent être maintenus sous une forme moins contraignante (programme de soins).
F. Les Droits Fondamentaux du Patient en Soins Sans Consentement
Même privé de son consentement aux soins, le patient conserve un socle de droits fondamentaux, listés à l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique. En tant que proche, il est essentiel de les connaître pour veiller à leur respect.
- Droit à l’information : Le patient doit être informé dès l’admission, et de manière adaptée à son état, de sa situation juridique, de ses droits, et des voies de recours.
- Droit de communiquer : Il a le droit de communiquer avec les autorités (préfet, JLD, procureur, maire), la commission départementale des soins psychiatriques, et son avocat.
- Droit de recevoir des visites et de correspondre : Sauf restrictions médicales motivées et limitées dans le temps.
- Droit de consulter son dossier médical : Dans les conditions prévues par la loi.
- Droit de participer à l’élaboration de son projet de soins individualisé (PSI) : Dès que son état le permet, le patient doit être associé à la construction du programme de soins qui le concerne.
G. Le Rôle et les Responsabilités du Tiers Demandeur
Être le tiers qui initie une SPDT est une position d’une complexité extrême.
- Un engagement moral : C’est un acte posé dans l’intérêt présumé du malade, souvent dans un contexte de crise et de grande souffrance partagée. Il est essentiel que la démarche soit exempte de tout autre motif (conflit d’intérêts, volonté de nuire).
- Des obligations d’information : Le tiers doit fournir des informations d’identité exactes. Il peut être contacté par l’établissement pour des informations complémentaires.
- Le droit de demander la levée de la mesure : Le tiers qui a demandé l’admission peut, à tout moment, demander par écrit la levée de la mesure de soins. Le directeur de l’établissement n’est toutefois pas tenu de suivre cet avis si un certificat médical datant de moins de 24 heures établit que l’arrêt des soins entraînerait un péril imminent pour la santé du patient. Dans ce cas, la procédure peut basculer en SPI.
- Une responsabilité juridique potentielle : Bien que rare en pratique, la responsabilité civile du tiers pourrait être engagée s’il est prouvé que sa demande a été faite de mauvaise foi, dans l’intention de nuire, et qu’elle a causé un préjudice au patient.
H. Les Alternatives à l’Hospitalisation Complète et la Préparation de la Sortie
L’objectif des SPSC n’est pas de maintenir la personne hospitalisée indéfiniment. L’hospitalisation complète doit être la plus brève possible. Dès que l’état du patient le permet, des formes de soins moins contraignantes doivent être privilégiées.
- Le programme de soins : La loi favorise la mise en place d’un “programme de soins”. Celui-ci peut inclure des consultations régulières au centre médico-psychologique (CMP), des visites à domicile par une équipe mobile, un traitement en hôpital de jour, ou l’obligation de prendre un traitement médicamenteux. Ce programme est élaboré par le psychiatre et doit être, autant que possible, co-construit avec le patient. Il permet un retour progressif à la vie normale tout en maintenant un cadre de soins sécurisant.
- La préparation de la sortie : La fin de la mesure de soins sans consentement doit être anticipée. Le rôle des proches est ici essentiel pour reconstruire le lien, souvent mis à mal par l’épisode de la crise et de l’hospitalisation contrainte, et pour aider à la réinsertion sociale et professionnelle. Il est crucial de travailler en lien avec l’équipe soignante (psychiatres, infirmiers, assistants sociaux) pour organiser le suivi post-hospitalisation.
Conclusion
Engager une procédure de soins psychiatriques sans consentement pour un proche est l’une des décisions les plus graves et les plus difficiles qui soient. C’est un cheminement sur une ligne de crête, où l’on cherche à préserver une vie tout en suspendant une liberté. La complexité du dispositif légal français n’est pas une entrave bureaucratique ; elle est la matérialisation d’un arbitrage délicat, forgé par le législateur et affiné par le juge, entre la protection des personnes vulnérables et la garantie des droits fondamentaux de tout citoyen.
La démarche concrète, comme nous l’avons vu, est une séquence d’actes formalisés – demande écrite, certificats médicaux circonstanciés, décisions administratives et contrôles judiciaires – où chaque étape conditionne la validité de la suivante. La connaissance de ce cadre n’atténue pas la douleur de la situation, mais elle permet d’agir de manière éclairée et responsable. Elle transforme l’angoisse en une action structurée, remplaçant le sentiment d’impuissance par l’exercice d’une responsabilité. Au bout du compte, cet arsenal juridique, si froid puisse-t-il paraître, a pour finalité ultime de permettre au soin de s’exercer et à la personne de se retrouver, en espérant que le consentement, un jour, puisse de nouveau s’exprimer librement. C’est un recours ultime, un acte de protection qui, pour être légitime, doit être mené avec la plus grande rigueur et une profonde humanité.
Bibliographie (Normes APA 7)
Contrôleur général des lieux de privation de liberté. (2016). Avis du 16 mai 2016 relatif à la prise en charge des urgences psychiatriques. Journal officiel de la République française. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000032608444
Direction générale de la Cohésion sociale. (2021). Guide de l’Unafam - Soins psychiatriques : droits et information des usagers. Unafam. https://www.unafam.org/sites/default/files/2021-02/guide_unafam_soins_psy_et_droits_2021.pdf
Direction de l’information légale et administrative. (2023, 1er janvier). Hospitalisation sans consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux. Service-Public.fr. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F731
Haute Autorité de Santé. (2014). Modalités de décision concernant l’instauration (ou la levée) d’une mesure de protection juridique chez un majeur. HAS. https://www.has-sante.fr/jcms/c_1753986/fr/modalites-de-decision-concernant-l-instauration-ou-la-levee-d-une-mesure-de-protection-juridique-chez-un-majeur
Légifrance. (Version consolidée au 1er janvier 2024). Code de la santé publique : Articles L3211-1 à L3211-13 (Droits des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques). https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000024314812/
Légifrance. (Version consolidée au 1er janvier 2024). Code de la santé publique : Articles L3212-1 à L3212-12 (Conditions d’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent). https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000024314917/
Légifrance. (Version consolidée au 1er janvier 2024). Code de la santé publique : Articles L3213-1 à L3213-11 (Conditions d’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État). https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000024315147/
Ministère des Solidarités et de la Santé. (s.d.). La santé mentale et la psychiatrie. https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/sante-mentale-et-psychiatrie/